La localisation, un enjeu clé:
Dans ce contexte, elles donnent la prime à des sites qui peuvent être plus petits mais surtout plus centraux, c’est-à-dire qui offrent une véritable accessibilité et qualité de desserte à leurs usagers. L’objectif pour ces entreprises est d’offrir un espace de travail au cœur d’un environnement qui soit le plus dynamique, vivant et pourvoyeur de services possible. La localisation reste toujours un des enjeux clés d’une implantation d’entreprises, mais aujourd’hui la dimension d’accessibilité et de qualité de vie au travail devient encore plus prégnante ; il faut offrir plus de confort aux collaborateurs pour les fidéliser et les rendre performants, pour attirer les nouveaux talents, tout en restant au plus près des fournisseurs, clients et autres partenaires.
« Les analyses des plans de performance ou schémas directeurs que nous avons menées pour nos clients nous permettent d’affirmer que les choix immobiliers vont continuer à se porter vers une hypercentralité. Cette localisation stratégique sera compensée par un peu moins de mètres carrés, ou en tout cas des mètres carrés mieux dimensionnés par rapport aux usages et aux besoins des collaborateurs, et ce dans un souci d’équilibre entre performance et bien-être. Elle sera également accompagnée par une distribution différente des espaces de travail : le siège, les autres sites de l’entreprise, le domicile, voire des tiers-lieux externes. Ces logiques s’appliquent d’ailleurs avec la prise en compte de plus en plus commune des dimensions ESG-RSE, qui ont bien entendu pris de l’ampleur ces dernières années, et qui portent non seulement sur le développement durable mais aussi sur l’inclusion et la diversité. Ainsi les entreprises tiennent désormais compte des normes de développement durable et plus largement RSE qui se sont imposées à elles et dont les échéances se sont rapprochées pour faire le choix de leur(s) implantation(s). », commente Faustine Zgheib – Le Bourg.
Vers un étalement de l’empreinte immobilière:
Cette tendance à plus de centralité va de pair avec la quête d’une plus grande flexibilité dans les modes de travail. Certains grands groupes tirent profit de leur portefeuille de bureaux pour mettre leurs sites en réseau – afin de permettre à leurs collaborateurs de choisir leur lieu de travail en fonction de leurs préférences individuelles et de leurs impératifs professionnels. Une flexibilité qui vient compléter le travail à domicile d’options de télétravail supplémentaires, à partir d’espaces tiers ou d’antennes plus proches des lieux de résidence ou plus accessibles pour les salariés. Une journée de travail protéiforme:
Et l’envie de flexibilité va bien au-delà de la multiplication des lieux du télétravail. De la même manière que les espaces ont tendance à se distribuer sur le territoire, les nouveaux travailleurs hybrides font voler en éclats la temporalité traditionnelle de la journée de travail : de plus en plus, ils modulent l’heure de démarrage et de fin de leur journée de travail. Lorsqu’ils travaillent à distance, beaucoup commencent plus tôt, s’accordent des pauses pour pratiquer du sport, se rendre à un rendez-vous médical, ou récupérer leurs enfants à l’école, et ainsi alternent entre séquences de pause et de travail.
Cette souplesse fait aujourd’hui partie des critères de choix du futur employeur. La question de savoir à quel point l’employeur est disposé à accompagnercette nouvelle flexibilité est cruciale. Flore Pradère cite, en exemple, BlaBlaCar qui met à la disposition de ses collaborateurs partis en province des lieux de coworking, et qui à partir de 10 collaborateurs présents dans la même ville, leur ouvre un Hub BlaBlaCar. D’autres, comme Orange - qui ont une multitude de sites en Ile-de-France - s’interrogent sur l’opportunité de supprimer la notion de site d’appartenance. Ainsi, les collaborateurs pourront, en fonction de leurs impératifs professionnels ou personnels, opter pour un site ou l’autre. On le voit, la question de la localisation des bureaux est devenue essentielle et les réponses inventées par les entreprises actuellement sont protéiformes.
Nouveaux ratios d’aménagement:
La crise sanitaire a révélé les limites du télétravail à 100%, son incapacité à encourager l'innovation ou à créer une véritable cohésion, leviers incontournables de performance. Les géants de la tech qui avaient un temps envisagé de basculer entièrement en distanciel font aujourd’hui marche arrière. Dans cette nouvelle réalité, se rendre au bureau pour travailler en solo devient un non-sens. Le bureau est vu comme le lieu privilégié de la socialisation, du management, de la relation clients ou encore de la sérendipité et de l’innovation.
Le bureau « Club » devient la vitrine de l’entreprise, qui incarne la marque employeur tout en proposant un cadre innovant et hypercentral. Comme l’explique Marie Martins, Directrice de l’équipe Tenant Representation, la physionomie de ce Club est en train de changer radicalement. « Bien que tous les projets soient différents et répondent à des objectifs propres à chaque entreprise, la tendance que l’on observe aujourd’hui sur le marché est une recherche de 60% d’espaces semi-ouverts ou collaboratifs pour 40% d’espaces individuels, avec une optimisation des espaces à la fois pour réduire les coûts immobiliers mais aussi pour s’adapter aux nouveaux modèles de travail ».
Moins d’espaces, plus de services:
Puisqu’il s’agit de (re)donner envie de se rendre au bureau, ce dernier doit se présenter comme un lieu attractif. Espaces de bien-être, salles de sport, conciergerie, offre de restauration locale,... L’objectif est également de s’adapter aux nouveaux usages en termes de mobilité. Cela passe aussi par l’accessibilité et la connectivité des bâtiments qui deviennent des critères d’attractivité essentiels. L’enquête du Collectif Mobilité Ile-de-France montre que 20% des personnes interrogées souhaiteraient que leur employeur mette à disposition des vélos de fonction, 22% des équipements pour pouvoir se changer après un trajet à vélo, 20% des espaces de stationnement de vélo.
Dans cette parcellisation des lieux de travail, la question est maintenant de savoir comment assurer une expérience équitable à l’ensemble de ses collaborateurs, de quelque endroit qu’ils se trouvent. A ce titre, le sujet de la restauration est un bon exemple. Comment assurer la même qualité de service sur site et à distance ? Certaines entreprises proposent d’ores et déjà la livraison de repas sains et équilibrés au domicile de leurs collaborateurs.
Nouveaux schémas urbains:
On le voit, au-delà de la reconfiguration des espaces de travail, c’est une transformation plus globale de nos territoires et du fonctionnement de nos villes qui est en train de se jouer. Un nouvel équilibre est à trouver entre bureaux, domicile, coworking, antennes régionales, tiers-lieux, etc. L’attrait pour les mobilités douces, des lieux de travail proches des bassins de vie, la volonté de réduire la transhumance quotidienne pour se rendre au travail...ouvrent la voie à de nouveaux formats urbains tels que les immeubles à usages mixtes. Ces espaces hybrides, au cœur de la cité, pourraient constituer un nouveau modèle, en proposant des services partagés et accessibles au public en plus des salariés. Par sa porosité, l’immeuble de bureaux fera demain corps avec la ville.